L’arrestation de Succès Masra, ancien opposant devenu Premier ministre de transition, marque un nouvel épisode troublant dans la vie politique tchadienne. Interpellé dans un contexte de fortes tensions post-électorales, cet événement soulève des interrogations profondes sur l’avenir démocratique du Tchad.
Un parcours marqué par la rupture et le compromis
Succès Masra, brillant économiste et fondateur du mouvement Les Transformateurs, a longtemps incarné l’espoir d’un renouveau politique au Tchad. Opposant farouche au régime militaire instauré après la mort du président Idriss Déby en avril 2021, il avait été contraint à l’exil avant de revenir au pays à la faveur d’un dialogue national inclusif.
Son retour avait surpris : de critique virulent du Conseil militaire de transition, il est devenu Premier ministre en janvier 2024, dans le cadre d’un accord visant à pacifier le climat politique en vue des élections générales de 2025.
Une élection sous tension
Le scrutin présidentiel d’avril 2025 a ravivé les divisions. Selon les résultats officiels, Mahamat Idriss Déby, fils de l’ancien président et chef de l’État de transition, l’a emporté avec plus de 60 % des voix. Masra, qui s’était présenté comme principal challenger, a dénoncé une fraude massive.
Dès l’annonce des résultats, de nombreuses manifestations ont éclaté dans la capitale N’Djamena et d’autres villes du pays. La réponse des forces de sécurité a été brutale : des dizaines de morts, des arrestations en masse, et un durcissement autoritaire palpable.
Une arrestation aux motivations politiques ?
L’arrestation de Succès Masra, intervenue le 20 mai 2025 alors qu’il tentait de rejoindre des partisans, est interprétée par beaucoup comme un acte de répression politique. Les autorités l’accusent d’incitation à la violence et de trouble à l’ordre public. Ses avocats parlent de persécution, rappelant les engagements non tenus de la transition quant au respect des libertés fondamentales.
L’Union africaine et plusieurs ONG, dont Human Rights Watch et Amnesty International, ont exprimé leur inquiétude, appelant à sa libération immédiate et au respect du droit de manifester.
Quel avenir pour le Tchad ?
L’arrestation de Masra risque de fragiliser davantage un processus de transition déjà miné par la méfiance. Elle envoie un signal négatif à l’opinion publique et à la communauté internationale, qui espérait un apaisement durable et des élections crédibles.
Le peuple tchadien, lui, reste partagé entre résignation, colère et espoir. La jeunesse, particulièrement mobilisée depuis plusieurs années, semble déterminée à ne plus se contenter de promesses creuses.
En définitive, l’affaire Masra met à nu les contradictions d’un pouvoir qui veut à la fois se légitimer par les urnes tout en muselant l’opposition. Une équation périlleuse, dans un pays où les lignes de fracture sociales et politiques sont toujours vives.
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