Juan Branco: Une persécution judiciaire inédite en France et ses échos en Afrique

Dans un texte publié récemment sur ses réseaux, l’avocat et écrivain français Juan Branco lance un cri d’alarme retentissant. À 35 ans, il se dit victime d’une offensive coordonnée des plus hautes autorités judiciaires françaises, visant à le radier définitivement du barreau de Paris. Cette affaire, qualifiée par Branco d’ « élimination judiciaire », n’est pas seulement un drame personnel : elle révèle, selon lui, une dérive autoritaire au cœur de l’État français, avec des ramifications directes sur les luttes anticoloniales et panafricaines. Pour Question Africaine, ce cas interpelle particulièrement le continent, où Branco a défendu des figures emblématiques de la résistance à la Françafrique.

Une coalition inédite contre un avocat dissident

Branco affirme que le ministre de l’Intérieur, le président du Tribunal judiciaire de Paris (Stéphane Noël), le Procureur général de la République et le premier président de la Cour d’appel de Paris ont uni leurs forces pour exiger sa radiation auprès du bâtonnier de Paris. « Jamais une telle agglomération de pouvoirs ne s’était réunie pour abattre un avocat », écrit-il, soulignant que ces autorités sont toutes nommées par le président Emmanuel Macron.

Les motifs invoqués ? Des prétextes « pitoyables et révélateurs », selon Branco : l’utilisation d’une enveloppe noire pour une correspondance (interprétée comme « menacée »), l’omission d’une formule de courtoisie, ou des tweets critiquant des magistrats. Derrière ces accusations, une saisine disciplinaire de 170 pages, après une première procédure avortée. Pour la première fois dans l’histoire du barreau français, un avocat est poursuivi pour le contenu de ses écritures judiciaires, pourtant protégées par une immunité pénale.

Cette offensive s’inscrit dans un harcèlement plus large : perquisitions, surveillances par la DGSI dès l’âge de 26 ans, expertises psychiatriques, interdictions de sortie du territoire, et même des violences physiques (passages à tabac, cambriolages). Branco évoque un « kompromat » – ces dossiers compromettants montés de toutes pièces – et une infiltration de sa vie privée, y compris des réquisitions de ses notes universitaires.

Un parcours au service des opprimés, de la France à l’Afrique

Juan Branco n’est pas un avocat ordinaire. Défenseur pro bono de gilets jaunes, de victimes d’attentats comme celui de Nice, ou d’opposants politiques, il s’est attaqué aux puissants : Emmanuel Macron, Gérald Darmanin, Bernard Arnault, ou encore la CIA aux côtés de Julian Assange et WikiLeaks. Son livre Crépuscule (2019) a ébranlé l’opinion en dénonçant l’artificialité du système macronien.

Mais c’est son engagement africain qui résonne le plus pour nos lecteurs. Branco a défendu Ousmane Sonko, leader de l’opposition sénégalaise accusé de viols dans ce qui ressemble à une manœuvre politique pour l’écarter de la présidentielle. Il a contribué à faire tomber le régime de Macky Sall au Sénégal, perçu comme un pion de la Françafrique. Aux côtés de Kemi Seba, le panafricaniste béninois-français déchu de sa nationalité française en 2024 pour ses discours anti-impérialistes, Branco a plaidé contre une mesure héritée des lois coloniales sur l’indigénat et les accords de Munich – une disposition qui évoque les déchéances sous Vichy.

Il cite aussi des combats au Centrafrique (enquêtes sur les mines d’Areva ayant englouti 4 milliards d’euros), au Yémen auprès des Houthis, ou à la Cour pénale internationale pour des victimes palestiniennes. Sans oublier les « Grands frères » et « Trop Violans », collectifs de banlieue luttant contre les violences policières, ou des opposants en Guyane, Martinique et Guadeloupe – territoires français où la Françafrique se mue en néocolonialisme interne.

« Je me suis placé aux côtés des peuples », affirme-t-il, payant le prix d’une intégrité rare dans un barreau gangrené par la corruption des cabinets d’affaires et l’argent de la drogue.

Les enjeux africains : Françafrique, corruption et résistance.

Pour l’Afrique, l’affaire Branco n’est pas anecdotique. Elle illustre comment Paris utilise son appareil judiciaire pour museler les voix critiques de son influence continentale. La déchéance de Kemi Seba, défendue par Branco, repose sur une loi « fécondée par l’auteur des accords de Munich », rappelle-t-il, reliant colonialisme historique et répression actuelle. Au Sénégal, sa défense de Sonko a exposé les ingérences françaises dans les affaires internes africaines.

Branco dénonce une « caste » d’oligarques qui achètent magistrats et médias pour assurer leur impunité, un schéma bien connu en Afrique : de la Centrafrique aux contrats miniers d’Areva, en passant par les réseaux de corruption liant Paris à des régimes comme celui de Macky Sall. En défendant gratuitement ces causes, Branco incarne une résistance panafricaine qui menace l’ordre établi. Sa radiation viserait à intimider ses confrères et à décourager les luttes futures.

À travers lui, ce sont des « opposants, victimes de crimes politiques français, palestiniens, guyanais, martiniquais, guadeloupéens, sénégalais, béninois » qui sont ciblés. Une « idée de la France » prédatrice contre une autre, celle de la vérité et de l’intégrité.

Une alerte pour la démocratie et au-delà

Branco appelle à la vigilance : « Ce qui se joue à travers moi demain s’étendra. » En France comme en Afrique, où les avocats défenseurs des droits (comme en RDC ou au Mali) subissent harcèlements similaires, cette affaire questionne la survie de l’État de droit face aux pouvoirs exécutifs. Même Mediapart, jadis allié, s’est retourné, illustrant la compromission des médias.

« Nous ne sommes rien sur cette terre, sinon les serviteurs de nos frères en humanité », conclut-il. Pour Question Africaine, cet appel résonne : la persécution de Branco est un symptôme de la dérive impérialiste française. Suivons son procès disciplinaire, prévu après le report du 10 septembre 2024. Car si un avocat intègre peut être écrasé pour avoir défendu l’Afrique, qui sera le prochain ?

Restons attentifs : la lutte de Branco est aussi la nôtre.


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